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Contrôle judiciaire, détention provisoire : dans l’attente du procès d’assises, la prééminence des libertés individuelles sur les pouvoirs du Parquet.

Le cabinet a obtenu, devant la Chambre de l’instruction de Paris, un arrêt limitant les pouvoirs du Parquet pour requérir le placement sous contrôle judiciaire d’une personne mise en accusation devant la Cour d’assises.

En l’espèce, Monsieur X était initialement mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, dans le cadre d’une affaire criminelle, non pour une participation au crime ou une complicité à ce dernier, mais pour des délits connexes qu’il conteste.

Par ordonnance du 8 décembre 2022, le juge d’instruction avait ordonné sa mise en accusation (c’est-à-dire son renvoi devant la Cour d’assises) pour ces délits, et avait mentionné dans son ordonnance « le contrôle judiciaire de Monsieur X conserve sa force exécutoire ». Il ne prenait pas d’ordonnance séparée aux fins de ce maintien sous contrôle judiciaire. Ni le Parquet, ni Monsieur X n’interjetaient appel de l’ordonnance du 8 décembre 2022.

Or, si, s’agissant des personnes mises en examen renvoyés devant la Cour d’assises pour un crime, le maintien en détention ou le contrôle judiciaire continuent à produire leurs effets de plein droit, conformément aux dispositions de l’article 181 du Code de procédure pénale (septième et cinquième alinéa, respectivement : « Si l’accusé est placé en détention provisoire, le mandat de dépôt décerné contre lui conserve sa force exécutoire et l’intéressé reste détenu jusqu’à son jugement par la cour d’assises… » et « Le contrôle judiciaire ou l’’assignation à résidence avec surveillance électronique dont fait l’objet l’accusé continuent à produite leurs effets » ce n’est pas le cas s’agissant des personnes renvoyées pour un délit connexe. En telle hypothèse, le sixième alinéa de l’article 181 du Code de procédure pénale dispose que « la détention provisoire, l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou le contrôle judiciaire des personnes renvoyées pour délit connexe prend fin, sauf s’il est fait application des disposition du troisième alinéa de l’article 179 » (c’est-à-dire si le juge d’instruction rend une ordonnance distincte spécialement motivée).

Dans la présente espèce, en l’absence d’ordonnance distincte et a fortiori d’ordonnance spécialement motivée le maintenant sous contrôle judiciaire, Monsieur X se retrouvait libre, et non soumis à une quelconque obligation de contrôle judiciaire, quand bien même l’ordonnance de mise en accusation mentionnait à tort l’inverse.

Il sollicitait donc la restitution de son passeport, afin de rendre visite à ses parents malades à l’étranger, intention dont il avait déjà antérieurement informé la justice dans la cadre d’une demande de mainlevée partielle du contrôle judiciaire.

Le passeport n’était pas restitué. En revanche, le parquet général saisissait la chambre de l’instruction d’une demande de nouveau placement sous contrôle judiciaire.

Cette saisine présentait l’apparence de la recevabilité, au visa de la combinaison des articles 139, 141-1 et 148-1 du Code de procédure pénale, dont il résulte, pour simplifier, que la Chambre de l’instruction est, dans l’attente du procès d’assises, investi du pouvoir antérieurement dévolu au juge d’instruction de placer le mis en cause sous contrôle judiciaire « en tout état de l’instruction » ou d’imposer de nouvelles obligations « à tout moment ».

Telle n’allait pas être la position de la Chambre de l’instruction de Paris. Dans un arrêt du 9 janvier 2023 (Cour d’appel de Paris, Pôle 7, Dossier 2022/08056), elle juge que :

La recevabilité de la requête doit effectivement être examinée.

En effet, si le pouvoir conféré au juge d’instruction par I ’article 139 du code de procédure pénale d’ordonner en tout état de I ’instruction le placement d’une personne sous contrôle judiciaire appartient, aux termes de l‘article 141-1 dudit code, en tout état de cause, a la juridiction compétente selon les distinctions de l’article 148-1 du code de procédure pénale, il apparait néanmoins en I ‘espèce que :
– I ’information n’est plus en cours puisque l’ordonnance de mise en accusation est définitive, – le juge d’instruction est en conséquence dessaisi,
– si les mis en examen ou accuses peuvent saisir la chambre de l’instruction après la mise en accusation, par exemple pour une demande de mise en liberté, une modification ou une mainlevée du contrôle judiciaire, ce n’est que dans un souci de garantir les libertés individuelles,
– si le parquet peut de même saisir la chambre de I ‘instruction d’une requête, ce n’est que pour sanctionner un non-respect d’un contrôle judiciaire décidé avant le terme de l‘instruction, ou pour demander une prolongation de la détention à titre exceptionnel, en vertu d’un texte qui le prévoit expressément,
– En revanche, tandis qu’aucun texte ne prévoit une telle saisine pour demander un placement sous contrôle judiciaire, recevoir une telle requête reviendrait à donner au parquet une possibilité de dépasser le délai qui lui est imparti pour faire appel d’une ordonnance de mise en accusation.

Des lors, il convient de déclarer irrecevable ladite requête.

Les applications pratiques de cet arrêt seront rares : en général, les ordonnances de règlement du juge d’instruction (renvoi devant le Tribunal correctionnel, mise en accusation devant la Cour d’assises) ne laissent pas de doute sur la survie des mesures de suretés. Lorsqu’elles se présenteront, elles seront néanmoins essentielles : c’est le cas naturellement pour Monsieur X, dont le contrôle judiciaire est levé, cela l’aurait été plus encore pour une personne maintenue en détention provisoire à tort.

Surtout, sur le plan des principes, cet arrêt de la Chambre de l’instruction a l’immense mérite de rappeler que les libertés individuelles, mais aussi l’équilibre des droits entre l’accusation et la défense, corolaire du Procès équitable, doivent rester des principes cardinaux de la procédure pénale.

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