Qu’est-ce que l’abus de confiance ?
L’abus de confiance est défini à l’article 314-1 alinéa 1 du Code pénal comme étant le fait « de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».
Cette infraction suppose ainsi au préalable, la remise d’une chose qui n’a pas été utilisée aux fins auxquelles elle devait servir et in fine le préjudice du propriétaire de la chose confiée, ne pouvant plus exercer ses droits sur elle.
L’infraction d’abus de confiance est ainsi caractérisée dès lors que sont constitués :
- D’une part, l’élément matériel de l’infraction, à savoir le détournement de la chose remise au préalable et le préjudice d’autrui – le propriétaire de la chose confiée- du fait de ce détournement,
- D’autre part, l’élément moral de l’infraction, à savoir l’intention frauduleuse de l’auteur de l’infraction de détourner le bien et de se comporter comme le propriétaire de la chose.
Sur quoi porte l’abus de confiance ?
L’exemple traditionnel de l’infraction est le détournement d’une chose matérielle, notamment suite à un prêt à usage : il pourra s’agir par exemple de la non-restitution d’un véhicule à l’issue d’un contrat de location.
Depuis quelques années, l’infraction revêt une portée nouvelle, avec la dématérialisation des choses détournées. Il est en effet admis que la chose détournée peut être immatériel : par exemple, les informations relatives à la clientèle d’une société ( Cour de cassation, chambre criminelle, 16 novembre 2011) ou un numéro de carte bancaire (Cour de cassation, chambre criminelle, 14 novembre 2000).
La jurisprudence a longtemps considéré que le détournement d’un bien immobilier (maison, appartement…) n’était pas constitutive d’un abus de confiance. Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2024, il est admis que l’usage abusif de l’immeuble, traduisant la volonté de son auteur de s’en comporter comme le propriétaire, est bien un abus de confiance. Cet arrêt pose néanmoins un critère restrictif : pour être punissable, l’usage abusif de l’immeuble doit « porter atteinte de façon irrémédiable à son utilité ». Le bailleur victime d’un locataire indélicat devra donc souvent privilégier la voie civile pour le faire expulser.
La répression de l’abus de confiance
L’article 314-1 du Code pénal réprime l’abus de confiance d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.
Les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende en vertu de l’article 314-2 du Code pénal, lorsque l’abus de confiance est réalisé par une personne qui fait appel au public afin d’obtenir la remise de fonds ou de valeurs ou par toute autre personne qui, de manière habituelle, se livre ou prête son concours, même à titre accessoire, à des opérations portant sur les biens des tiers ou au préjudice d’une association qui fait appel au public en vue de la collecte de fonds à des fins d’entraide humanitaire ou sociale ou au préjudice d’une personne vulnérable.
Les peines sont portées à une condamnation pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et à 1 500 000 euros d’amende en vertu de l’article 314-3 du Code pénal, lorsque l’abus de confiance est réalisé par un mandataire de justice ou par un officier public ou ministériel soit dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit en raison de sa qualité.
Des peines complémentaires peuvent également être prononcées conformément à l’article 314-10 du Code pénal et des sanctions prévues à l’article 131-39 du Code pénal peuvent être encourues par les personnes morales.
Comment distinguer l’abus de confiance et les autres infractions contre les biens ?
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Abus de confiance et vol :
Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.
Ainsi, le vol et l’abus de confiance sont différents, en ce que l’abus de confiance est caractérisé par le détournement d’une chose remise valablement, alors que le vol est constitué par une appropriation du bien sans remise préalable.
La distinction de principe est simple mais en pratique, la nuance est fine et se fait cas par cas. En cas de doute, la victime déposant une plainte aura probablement intérêt à viser les deux qualifications.
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Abus de confiance et escroquerie :
La distinction entre abus de confiance et escroquerie repose essentiellement sur un critère temporel de l’action.
L’abus de confiance consiste en effet, en un comportement frauduleux postérieur à la remise de la chose alors que l’escroquerie est caractérisée par le comportement frauduleux (manœuvre dolosive) antérieur à la remise de la chose.
Le cumul de qualifications de ces deux infractions peut également être retenu par le juge ( Arrêt de la Chambre criminelle de cassation du 24 mai 1983).
Quel est le délai de prescription de l’abus de confiance ?
L’abus de confiance se prescrit par un délai de six ans. Ce délai peut être interrompu par un dépôt de plainte avec constitution de partie civile ou par une citation directe
Le délai part traditionnellement de la date de commission de l’infraction. Néanmoins, lorsque l’infraction est occulte ou dissimulée, le point de départ du délai est reporté jusqu’au jour où les faits ont pu être constatés dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique (Voir notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 2011, numéro 11-90.033).
L’avocat pénaliste dans les dossiers d’abus de confiance
Compte-tenu des spécificités juridiques et procédurales de l’abus de confiance, il est indispensable pour la victime de l’infraction, comme pour la personne suspectée de l’avoir commise, d’être assisté par un avocat en droit pénal.
Ce dernier sera en effet à même :
- S’agissant de la défense de la victime, de rédiger si nécessaire une plainte ou une citation directe dans les règles de l’art, d’argument sur les éléments constitutifs de l’infraction, de démontrer et de chiffrer le préjudice de son client…
- S’agissant de la défense de la personne mise en cause, de soulever des nullités de procédure, de discuter la réalité de l’infraction en s’appuyant sur les règles du droit pénal général et du droit pénal spécial, de mettre en avant la prescription si possible…