PLAINTE PENALE ET ACTION CIVILE
Qu’est-ce que l’action civile ?
L’action civile désigne l’action par laquelle la victime d’une infraction peut obtenir réparation du préjudice subi.
Cette action peut être exercée devant les juridictions pénales ou civiles.
On parle souvent de plainte ou de plainte pénale. Le terme n’est pas inexact mais est vague. En réalité, il existe deux types de plainte : la plainte simple et la plainte avec constitution de partie civile qui, à l’instar de la citation directe, ont pour objectif de permettre à la victime de lancer elles-mêmes les poursuites pénales malgré le principe d’opportunité des poursuites.
Qu’est-ce que l’opportunité des poursuites ?
Lorsque le procureur de la République est informé de la commission d’une infraction, il est libre de poursuivre ou de ne pas poursuivre.
Ce principe de l’opportunité des poursuites lui permet d’opter pour la réponse pénale la plus adaptée en envisageant ainsi :
- soit de classer sans suite la procédure ;
- soit d’engager des poursuites ;
- soit d’opter pour une procédure alternative des poursuites.
Le principe de l’opportunité des poursuites est très important en France : traditionnellement, c’est davantage le parquet que les victimes qui met en œuvre les poursuites.
Il existe toutefois des techniques procédurales permettant à la victime de mettre en mouvement l’action publique : il s’agit de la plainte simple, de la plainte avec constitution de partie civile et de la citation directe.
LA PLAINTE SIMPLE
Définition – Dépôt de plainte
Toute victime d’une infraction pénale peut porter plainte auprès du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie de son choix. Il est possible de porter plainte dans une autre ville que celle du lieu où l’infraction a été commise (en cas d’incompétence territoriale, la plainte sera automatiquement transmise aux services compétents).
Les officiers ou agents de police judiciaire ont l’obligation de recueillir la plainte. Le dépôt de plainte doit faire l’objet d’un procès-verbal et donner lieu à la délivrance immédiate d’un récépissé à la victime, qui peut également demander une copie du procès-verbal en vertu de l’article 15-3 du Code de procédure pénale.
La victime peut également directement soumettre sa plainte au procureur de la République par lettre simple en décrivant précisément les faits dont elle s’estime avoir été victime.
Le procureur de la République, véritable maître de l’opportunité des poursuites, décidera seul de l’opportunité, ou pas, de poursuivre cette plainte en la transmettant aux services compétents.
La plainte sera classée sans suite s’il estime que les éléments présentés sont insuffisants.
Le rôle de l’avocat
La rédaction de la plainte simple requiert un formalisme particulier attaché au syllogisme juridique (il s’agit d’un raisonnement visant à rappeler les faits et la règle de droit appropriée ainsi que son application au cas d’espèce).
Une plainte rédigée dans les règles de l’art, posant le débat dans des termes juridiques et visant les qualifications pénales des faits commis, aura plus de chance d’intéresser le parquet et pourra en outre servir ultérieurement de base à une plainte avec constitution de partie civile si nécessaire.
Lorsqu’une enquête est ouverte, l’avocat assiste son client et échange régulièrement avec les forces de police afin d’être tenu informé de l’avancée des investigations.
Si la plainte est classée sans suite, l’avocat expose les différents recours offerts à son client afin d’obtenir réparation de son préjudice.
Avantages
Le dépôt de plainte permet l’ouverture d’une enquête. Elle s’avère particulièrement utile lorsque la victime ne dispose ni de preuve, ni de l’identité de l’auteur de l’infraction. Le dépôt d’une plainte contre x vise à établir ces éléments.
La victime mineure peut déposer plainte seule, sans la présence de ses représentants légaux.
La plainte simple couvre l’ensemble des infractions pénales (contraventions, délits et crimes) commises contre les biens ou les personnes. Elle permet d’informer le procureur de la République de la commission d’une infraction.
La victime ne pourra pas être condamnée au versement de dommages et intérêts ni au paiement d’une amende civile (sauf dans l’hypothèse où se plainte serait constitutive de dénonciation calomnieuse).
Il existe un dispositif de pré-plainte en ligne, pour les atteintes aux biens et pour les faits à caractère discriminatoire lorsque l’auteur est inconnu, permettant de gagner du temps lors de sa présentation ultérieure au commissariat de police ou à la gendarmerie. Pour être effective, la plainte devra être obligatoirement signée dans ces locaux.
Inconvénients
La victime peut être poursuivie pour dénonciation calomnieuse.
La poursuite de l’enquête reste soumise à la décision du procureur de la République.
Dans les faits, la plainte simple n’aboutit à des poursuites effectives que dans les cas où le parquet considère que les faits dénoncés portent gravement atteinte à l’ordre public.
En outre, celle-ci n’est pas interruptive de prescription. Cela signifie que la victime devra agir rapidement et faire preuve de vigilance afin d’éviter que l’infraction ne soit prescrite. La prescription est un délai à l’expiration duquel plus aucune action ne pourra être exercée.
L’auteur de la plainte simple peut faire l’objet de poursuites pour dénonciation calomnieuse. Le retrait de sa plainte ne lui permettra pas d’échapper à la mise en cause de sa responsabilité.
Quid de la prescription :
Quel est le délai pour porter plainte ?
(articles 7 à 9 du Code de procédure pénale)
La victime devra agir rapidement si elle souhaite échapper à la prescription. Le délai commence à courir à compter de la commission de l’infraction. Elle disposera d’un an pour les contraventions, six ans pour les délits et vingt ans pour les crimes afin d’agir.
La prescription est très abrégée pour les délits de presse fondés sur la Loi du 29 juillet 1881.
Si la victime était mineure au moment des faits, le délai de prescription commencera à courir à compter de sa majorité.
Certains crimes considérés comme particulièrement graves (terrorisme, crime d’eugénisme et clonage reproductif, disparitions forcées, etc.) se prescrivent par trente ans.
LA PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE
Définition
Lorsque la plainte simple n’a reçu aucune réponse dans un délai de trois mois, ou qu’elle a été classée sans suite, la victime pourra recourir à la plainte avec constitution de partie civile (plainte déposée auprès du Doyen des juges d’instruction) si elle souhaite l’ouverture d’une information (le terme « information » désigne ici l’enquête menée devant le juge d’instruction).
Le rôle de l’avocat
La recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile est soumise à plusieurs conditions procédurales. Le recours à un avocat permet de veiller au respect de ces conditions et d’augmenter ses chances de voir sa plainte aboutir.
Lorsque la plainte est admise par le juge d’instruction, la partie civile se retrouve associée à la procédure. Dès lors, elle pourra faire des observations complémentaires ou demander des actes au juge d’instruction. Ces demandes sont encadrées par des délais stricts et exigent une argumentation juridique précise.
L’avocat assiste la partie civile au cours de l’instruction, notamment lors des auditions et confrontations. L’avocat peut faire appel de certaines ordonnances et soulever des nullités.
Lorsque le préjudice physique subi est important, l’avocat saisira concomitamment la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.
Avantages
La plainte avec constitution de partie civile permet de « forcer » l’ouverture d’une enquête pénale par l’ouverture de l’information.
La plaignant, par la qualité de partie civile, devient partie prenante à la procédure, à accès à cette dernière et peut formuler des demandes d’actes.
En outre, elle interrompt le délai de prescription.
Inconvénients
Le versement d’une consignation est obligatoire, sauf pour les victimes bénéficiant de l’aide juridictionnelle.
Le juge d’instruction fixe le montant de la consignation en fonction des revenus de la victime, ainsi que le délai dans lequel elle doit être versée.
L’auteur d’une plainte avec constitution de partie civile jugée infondée engage sa responsabilité. Il peut ainsi être condamné à verser des dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse ou à payer une amende pour action abusive ou dilatoire. Il peut également être amené à réparer le préjudice subi par la personne désignée dans sa plainte.
La procédure est souvent très lente, le juge d’instruction considérant que les affaires « entre parties » ne sont pas prioritaires. Il est donc important de faire vivre la procédure de par les demandes d’actes et les démarches auprès du juge.
LA CITATION DIRECTE
Définition
La citation directe permet de saisir directement la juridiction compétente. Cette démarche implique que la victime connaisse l’auteur des faits et possède des éléments probants irréfutables.
La citation directe concerne uniquement les délits et contraventions. Les crimes relèvent de la Cour d’assises qui ne peut être saisie qu’après une information par un juge d’instruction.
Le rôle de l’avocat
L’assistance par un avocat est indispensable pour rédiger la citation directe en termes extrêmement précis. Chaque infraction doit être précisément étayée, démontrée, et qualifiée juridiquement.
Avantages
La citation directe permet de saisir directement la juridiction. L’absence de filtre du parquet, et de juge d’instruction, permet d’alléger considérablement la procédure et d’obtenir plus rapidement un jugement.
En outre, la victime d’une contravention ne dispose que de la citation directe pour mettre en mouvement l’action publique.
Inconvénients
La victime doit connaître l’identité de l’auteur des faits et être en mesure de démontrer chaque aspect de l’infraction qu’il poursuit. Aucune investigation ne sera possible.
À l’audience, il est en pratique assez rare que le Procureur appuie la partie civile.
Le défaut de versement de la consignation constitue une cause d’irrecevabilité.
La victime peut être condamnée à verser des dommages et intérêts ou au paiement d’une amende civile.
L’AVOCAT PENALISTE, PARTENAIRE INDISPENSABLE DE LA VICTIME ENVISAGEANT DE PORTER PLAINTE
Compte-tenu de la technicité des techniques permettant à la victime de déposer plainte, il apparaît indispensable d’être conseillé par un avocat en droit pénal afin de :
- Auditer le dossier afin de déterminer si une action a des chances réelles de prospérer,
- Choisir le mode d’action le plus approprié,
- Rédiger et déposer une plainte simple, une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe,
- Suivre la procédure jusqu’au bout,
- Se voir reconnaître la qualité de victime, et obtenir indemnisation de son préjudice moral et matériel.